C’est la première décision rendue depuis l’entrée en vigueur, fin 2018, de la loi relative à la lutte contre les fausses informations dite loi « anti-fake news ». Chargé de traquer ces fake news, le tribunal de grande instance de Paris s’est prononcé le 17 mai 2019.
A la suite du tweet du ministre de l’Intérieur publié le 1er mai dernier (« Ici à la Pitié-Salpêtrière on a attaqué un hôpital, on a agressé son personnel soignant. Et on a blessé un policier mobilisé pour le protéger […] »), une députée et un sénateur l’avaient saisi en référé pour que Twitter retire ladite publication. Ils estimaient qu’elle était inexacte et trompeuse.
Le juge a débouté les deux parlementaires au motif que :
- La demande est irrecevable : Twitter France a en effet pour seule activité principale la commercialisation et la monétisation du réseau d’informations Twitter. L’hébergeur et seul responsable du traitement des données est la société irlandaise Twitter International Company.
- Bien que le message rédigé par le ministre apparaisse exagéré en évoquant les termes d’« attaque » et « blessures », cette exagération porte sur des faits qui, eux, sont bien réels. Il s’agit bien de l’intrusion de manifestants dans l’enceinte de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière le 1er mai 2019.
- Les termes exagérés du tweet n’ont pas empêché le débat public : des articles sont parus en nombre dans la presse écrite et sur Internet. Les électeurs ont donc pu se forger une opinion sans que cela n’altère la sincérité du scrutin du 26 mai pour les élections européennes.
Les conditions posées par l’article L. 163-2 du Code électoral n’étant pas remplies, le juge a refusé d’accéder à la demande de retrait.
Rappel
Très médiatisé, le texte prévoit trois dispositions majeures contre la « manipulation de l’information » :
- Un élu ou un citoyen peut désormais saisir en urgence le juge des référés dans les trois mois précédant une élection pour faire cesser la diffusion d’une « infox » (terme français désignant les fake news), le magistrat ayant 48 heures pour décider si l’information est manifestement fausse et diffusée de manière délibérée, massive et artificielle ;
- Les plateformes numériques doivent fournir les informations sur les publicités politiques qu’elles diffusent contre rémunération sur leur site ;
- Le CSA peut suspendre la diffusion en France d’une chaîne de télévision contrôlée par un État étranger ou sous l’influence d’une puissance étrangère qui diffuserait de « façon délibérée » de fausses informations.